Michel Bernardy
Résumé
Cet ouvrage est un traité de diction qui s’adresse à l’acteur mais aussi à tout homme de parole qui souhaite affiner sa sensibilité verbale. Michel Bernardy poursuit une ambition élevée. Celle de contribuer à guider l’acteur dans l’accomplissement de sa mission : reconquérir la magie du verbe proféré. Mission quasi-divine puisque la Parole serait à l’origine de toute création. Le livre, lui, n’est qu’un relais qui contient une voix captive. L’auteur nous convie ainsi, tout au long de cet ouvrage, à déchiffrer l’œuvre poétique à la manière d’une partition musicale. Cet art fait tout autant appel aux sens qu’à l’intellect. Une bonne diction a en effet d’abord pour rôle de rendre le texte intelligible mais aussi de parvenir à recréer l’origine de la pensée afin de faire ressentir à l’auditoire l’énergie dont le texte est porteur. Elle doit encore faire entendre la musique, l’harmonie qui se dégage de l’œuvre. Elle doit enfin faire percevoir la dynamique gestuelle et l’architecture de l’œuvre. Pour atteindre ces objectifs, l’auteur ne nous propose pas moins de vingt et une recommandations de diction. Nous retiendrons ici les trois principales. Deux d’entre elles découlent logiquement des spécificités de la langue française. Le Français se caractérise, en premier lieu, par l’absence de déclinaison des mots qui, restant invariable, masque la nature de leur relation. De ce fait, l’ordre de construction de la phrase doit être clair : le sujet puis le verbe et enfin l’objet de l’action. Tout écart par rapport à cette norme syntaxique, telle une ellipse ou une inversion, doit alors être marqué par une césure vocale afin d’alerter l’oreille du public et lui permettre de suivre le fil sinueux du discours. En second lieu, le Français présente la particularité de ne pas comporter d’accent tonique phonétique. L’accent tonique doit toujours être placé sur la dernière syllabe sonore d’un groupe de mot de même fonction syntaxique. Ainsi, l’inflexion générale doit subsister clairement jusqu’à la finale en dépit de toutes les incidentes. Enfin, Michel Bernardy met particulièrement l’accent sur la règle suivante : « l’acteur se doit de distinguer les unités respiratoires où la pensée est en cours de formulation – qu’il appelle les formulations suspensives ou protases – et les unités respiratoires où la pensée s’achève temporairement – qu’il appelle les formulations conclusives ou apodoses. Entre les deux, se situe «le point névralgique du discours, l’acmé, qui doit toujours être marqué par une césure vocale nette. » Nous sommes loin d’une énumération fastidieuse car chaque recommandation est enrichie de nombreuses citations : des exemples, principalement puisés dans le répertoire théâtral français, mais aussi des extraits de livres de réflexion sur l’art d’écrire et l’art de dire. Ces ouvrages proviennent de rhéteurs, de grammairiens mais aussi et surtout d’artistes eux-mêmes. Michel Bernardy appelle ces derniers les «artisans du verbe», car ils transmettent ainsi les secrets de fabrication de l’écriture et du phrasé. Tout en recueillant l’héritage du travail des rhéteurs de notre langue, l’auteur prend clairement parti pour les artisans du verbe et les libertés qu’ils prennent par rapport aux règles des censeurs.
Cet ouvrage de diction est donc résolument original à la fois par la rigueur à laquelle il exhorte et par la liberté qu’il défend farouchement. Michel Bernardy réalise, en effet, l’exploit de transposer dans la syntaxe et la diction française toute la rigueur de l’écriture et de l’interprétation musicale et, en même temps, de nous faire percevoir de manière lumineuse l’esprit et non la lettre des règles.
Biographie
Michel Bernardy fut pensionnaire de la Comédie-Française de 1960 à 1972, puis professeur de langage au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de 1972 à 1994. Passionné par la langue et la littérature, il est l’auteur d’un éminent traité intitulé Le jeu verbal ou Traité de diction à l’usage de l’honnête homme.